Critique roman: POV : Point of view de Patrick Bard
Il existe des lectures qui vous chamboulent les neurones dès les premières pages. D’une multitude de manières, les mots marquent l’esprit. Le ballet se forme entraînant dans un dédale surprenant. J’ai eu cette sensation avec POV. J’ai littéralement dévoré le roman.
☙Synopsis:☙
La première fois qu’un lien vers une vidéo porno s’affiche sur son ordinateur, Lucas est en train de télécharger un film de super-héros en streaming. Cette scène, qu’il visionne sans l’avoir voulu, le sidère, puis lui procure une émotion totalement inédite. Pour retrouver ce frisson initial, il glisse en secret dans une sphère qui accapare ses pensées, ses nuits, et bientôt tout son temps libre. Vu de l’extérieur, on pourrait croire que Lucas est un simple geek. Il est en réalité victime d’une addiction dont il ne peut plus sortir seul. Pour revenir du côté de la vie, il lui faudra accepter la rencontre et l’échange avec d’autres, loin des écrans.
☙Mon avis:☙
Patrice Bard aborde à travers Lucas, 15 ans, l’addiction au cybersexe. L’adolescent est comme tout ceux de sa génération. La Z est née dans un monde peuplé d’écrans multimédia, d’hyperconnections. Et rien ne va en diminuant, au contraire, tout s’accélère. Ne pas avoir d’ordinateur ni de comptes sur certains réseaux reviennent à être un extra-terrestre. Les jeunes sont connectés sur leur PC et leur téléphone. Ils ont leur univers.
Seulement Lucas est accro. Il est accro au porno. Accro au sexe. Il se cache dans sa chambre, il reste enfermé pour assouvir ses besoins. Ses nuits se passent sur des sites à écumer, à visionner les vidéos. Les corps s’entremêlent sans cesse devant ses yeux. J’ai eu des frissons. J’ai eu des larmes. J’ai eu un choc devant le violence des événements. Une panne lève le pot au roses aux parents. Dans quelle perversion est tombé leur enfant? Leur fils est interdit de tout. Le manque s’installe. Le sevrage est brutal.
L’addiction se déploie sous un poids brut, déconcertant. Le cerveau cogite. Il réfléchit. J’ai eu ma version de moi mère d’adolescents qui a tiqué. J’ai voulu me mettre à la place du public, à la place du héros. La spirale du cybersexe coupe du monde Lucas. J’ai eu des larmes. Je me suis interrogée. J’ai cherché. Je me suis demandée comment je réagirai à ce type de bombe. Qui est responsable de l’état de Lucas? Les technologies explosent, prennent une place omniprésente, trop. Elles soulèvent un problème de société hyperconnectée. Le soucis d’un accès de plus en plus simple d’un clic de sujets variés, pas forcément en adéquation avec son public est à la portée de tous. Combien de personnes sont seules face à la toile?
Le processus est très bien décrit de la chute à la remontée. Patrick Bard pose avec talent l’addiction de son personnage principal. Il entraîne dans un récit documenté, intéressant, déconcertant. POV est instructif, éducatif, il remue. Le roman pousse à se questionner. Il pourra peut-être aussi déculpabiliser certains… Et l’air de rien, le thème du cybersexe et de l’addiction permettent de toucher du doigt l’éducation à la sexualité, les idées préconçues ou erronées que plusieurs jeunes possèdent. Je suis restée scotcher sur le « Avec la bouche, c’est pas du sexe! ». La réalité est déformée. Le tabou enferme dans un cercle, les réponses se trouvent seuls… C’est une boucle. Choc. Choc. Choc.
POV sort des sentiers battus. Les mots se parent d’une palette de nuance marquantes. L’esprit est secoué. Lucas montre une addiction. Sa chute est brutale. J’ai été remuée jusqu’au fond de mes tripes. Mais le récit souffle aussi un vent d’espoir, de vent qui tourne. Les solutions miracles n’existent pas. Les discussions si…. Sortir un peu de son écran, débatter,échanger. Le sujet mérite d’être abordé. Patrick Bard le fait avec justesse. Il vous fera réagir en bien ou en mal, impossible de rester de marbre.
☙Ma note:☙
?9/10?
☙Informations:☙
240 pages
Editeur : Syros Jeunesse
Date de parution: 23 août 2018
Collection : GRAND FT SYROS
Prix: 15,95 euros
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