Camille Anseaume possède définitivement une plume qui me séduit. Elle parvient en très peu de pages à me happer dans ses histoires avec une force déconcertante. Ici, le personnage principale nous dépose dès les premières lignes une idée de l’intensité des chapitres qui suivront. Rien n’est si simple que les apparences veulent le laisser voir. Non, loin de là, la trame se complexifie, sent perdre de sa simplicité dans l’énoncé.
Son précédent roman était un tout petit rien. Vous pouvez retrouver ma chronique ICI.
Synopsis:
» C’est l’heure du départ, la fin de l’été. Il faut rentrer. Dans la chambre, je reste transie, incapable de bouger. C’est l’angoisse et les regrets qui me paralysent. Je comprends que je n’ai pas pris le temps de défaire mes valises, ni même de regarder à la fenêtre. Maintenant que je réalise qu’on y voit la mer, il est temps de m’y arracher. Le séjour est passé sans moi. J’étais là, et je ne le savais pas. J’en conçois une tristesse et une culpabilité infinies, sans commune mesure avec les faits. Tu connais ce rêve étrange que je t’ai souvent décrit. Il m’a hantée chaque nuit pendant des années. Et puis un jour je ne l’ai plus fait. Ce jour-là, j’ai compris que l’été avait duré vingt-six ans. » Elles sont amies d’enfance. L’une est inquiète, rêveuse, introvertie ; l’autre est souriante, joyeuse, lumineuse. Ensemble, elles grandissent, découvrent la vie, l’amour. Jusqu’à ce qu’un drame bouleverse le monde qu’elles se sont bâti… Un roman poignant sur l’amitié, le deuil, et sur ce point de bascule irréversible qui sonne la fin de l’insouciance.
Mon avis:
« Quand elle naît, elle ne pleure pas. On lui met sa première fessée. Elle hurle. C’est de l’éducation inversée »
Les mots se parent d’un manteau léger, efficace, simple et direct. Ils frappent en plein cœur. Ils appuient doucement mais sûrement sur cette douleur qui s’installe et demeure au fond de l’âme. Je ne sais pas pourquoi je me doutais du drame qui couvait. Sous ses associations de phrases, sous ce style sans formules pompeuses, je me doutais de ce qui se tramer. Et pourtant, j’espérais me tromper. Je me suis laissée prendre par la main, emportée dans ces belles rencontres qui bouleversent et remuent les tripes, dans ses changements qui modifient à jamais la personne que nous pourrions être. L’héroïne m’a touchée. Malgré les petites notes qui m’ont parfois perdue, parfois désorientée, parfois rendue étonnée, perplexe devant l’emploi des par ce « tu,toi, elle », je suis restée captiver par les événements décrits. Comme cette rencontre entre les deux petites filles qui loin de se cacher derrière des longs discours énonce en peu de choses de très jolies manières de voir le monde : « Ma petite soeur est trisomique… la mienne est capricorne » Ce monde innocent, merveilleux de l’enfance. Il se glisse doucement vers celui plus brute de l’adulte, plus froid, moins prompt à rêver.
Derrière Ta façon d’être au monde de Camille Anseaume se cache un roman qui aborde tout en finesse le thème du deuil, sur la manière de grandir, sur ces petits riens qui sont des grands riens en vrais. Rapidement les enfants cèdent la place à des jeunes femmes, des jeunes garçons adolescents éprouvant les premiers émois, les premières envies de liberté. Le ton se dessine petit à petit plus à fleur de peau, plus intime, plus marquant. Il se met à nous souffler dans l’oreille avec cette voix qui cache un secret, un bouleversement qui nous marquera à jamais. Les larmes viennent. Elles coulent toutes seules. Intensément. Fortement. Les emplois de elle se métamorphose en je, les héroïnes ont changé. La mort les a percuté. Comment, pourquoi… Le mystère se dévoile à travers des chapitres concis, vibrant, parfois laissant un arrière goût pathétique derrière la rétine.
L’air de rien, une étoile triste s’installe, les indices sont postés, mis ci et là, dans l’ombre, ils guettent annonciateurs du drame. Le voyage de Camille Anseaume s’avère sensible, touchant, magique dans son intensité, pas si léger qu’il n’y paraît loin de là, mélancolique, étrangement déroutant, il montre le deuil sous un angle envoûtant. Le destin funeste, funèbre de ses deux enfants s’écoule avec un avant, un pendant et un après qui n’est pas à mettre sous toutes les mains, âmes sensibles prévoyez des mouchoirs. Ta façon d’être au monde cache une étoile triste à pleure en son sein, elle mérite de s’y arrêter, de l’admirer, de la découvrir.
Je remercie les éditions Kéro pour leur confiance et la découverte.
Ma note:
8/10
Informations:
234 pages
Editeur : Kéro
Date de parution: 18 janvier 2016
Prix: 17,90 euros en version papier.