[Festival] The Edge (Kray) de Aleksei Uchitel

Pour le premier film du Festival du cinéma européen des Arcs, j’ai opté pour The Edge (Kray en Russe). L’oeuvre est nominée aux oscars 2011 et aux Golden Globes. Prenons place en Sibérie, l’action se situe peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale, en août 1945. The Edge offre une vision des vainqueurs et vaincus assez peu commune. Un portrait d’hommes et de femmes victimes d’un conflit qui les dépasse.

D’un côté les Russes et de l’autre les Allemands. Chaque peuple vit une transformation, se remet de la guerre à sa manière. Les deux sont intimement liés et marqués. Les « traîtres à la mère patrie » expient leur faute aux fins fond de la Sibérie. Perdus, exilés et isolés loin de toute civilisation, ils paient leur trahison en coupant du bois. Le drame des camps est abordé avec un regard prenant sans être trop lourd trop historique. Des mots durs, des images bluffantes, des personnages attachants. Une luminosité, parfois orangée, teintée de sentiments remuante, magnifique, elle joue les contrastes.

Dans les personnages, un moyen de locomotion arrive à tenir tête aux êtres humains. Gustav, la locomotive prend vie. Elle a un prénom, une essence propre. Elle permet aux héros de se surpasser, de dépasser leur limite et de s’accrocher à leur existence. En quelque sorte, elle offre une raison de tenir dans la dure réalité de l’après guerre. Les locomotives transportent le bois dans la taïga sibérienne. Une scène excellente de courses de vitesse montre  deux locomotives très manichéennes, fumée blanche contre fumée noire, le Bien contre le Mal. Un objet devient un être à part entière avec une place primordiale dans le film.

Quelque part, The Edge c’est l’histoire de deux identités propres qui gèrent la fin du conflit avec leur propre force en ayant un dénominateur commun: une locomotive. Elle donne une planche de salut aux deux héros, un homme guerrier et une jeune fille pas si frêle que ça.

Ignhat, le héros central de l’histoire, représente le type même de l’archétype dy soldat soviétique victorieux. Il a survécu au conflit à quel prix? En état de choc, il démarque dans un camps de travail blessé physiquement et moralement. Cependant, le guerrier n’est pas complètement détruit. Sa mine renfrognée, ses airs bourrus cache un homme avec un coeur et des sentiments. Son affection dans un coin austère de Russie, sera son salut.

Cet ancien conducteur de locomotive usé devra s’occuper de la maintenance. Un nouvel horizon pointe son nez. Sous les airs hostiles du paysage, les arbres, l’Ours légendaire et le froid les plus traitres ne s’avèrent pas être ceux qu’on croit. Une rencontre va tout bouleverser. Le Russe va s’allier par un concours de circonstances à une jeune Allemande Elsa. Un fantôme, un mort que tout le monde pensait ne pas revoir.

Les compagnons d’infortune forment un couple hors du commun. Deux coeurs blessés, deux âmes en peine, que tout sépare au début. La vie en décide autrement, elle les rapproche doucement scène après scène. Sur fond de révolution russe, de conflits, de haine, de ressentis négatifs, l’amour montre son nez. Un amour loin des comédies romantiques, plus réaliste, moins rose. Les deux acteurs sont remarquables par leurs émotions, leur silence ou leur barrière. Elsa a survécu en se réfugiant dans Gustav. Elle survivra aux autres, aux Russes qui la détestent. Certaines scènes sont dures, comme le viol, les combats, certains mots aussi sont difficiles à gérer. Malgré tout, l’histoire continue d’avancer avec une pointe d’espoir. Ignhat et Elsa créent à eux deux une planche de salut une fuite possible du camps.

Optimiste, loin de se laisser abattre par les événements, the Edge montre des protagonistes qui dépassent leur blessure morale ou physique et s’en servent. Des scènes magnifiques (la construction du pont pour Gustav demeurera un grand moment), des images superbes, un talent qui déborde sur tous les fronts. Aleksei Uchitel a réussi à capturer une aventure qui touche par ses thèmes multiples. Les acteurs donnent vie à leur personnages avec des qualités et des faiblesses. J’ai été émue, séduite et captivée. Une perle Russe comme le cinéma devrait en proposer un peu plus souvent.

Note: 10/10

Titre original : Kray
Titre anglais : The Edge
Pays de Production : Russie
Année de production : 2010
Réalisateur : Aleksei Uchitel
durée : 110′
VO : russe
Interprètes : Vladas Bagdonas, Aleksandr Bashirov, Semyon Belotserkovskiy, Armen Dzhigarkhanyan, Sergey Garmash

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