Le Quai des Brumes de Marcel Carné est un film divin, un immanquable. Un bijou de mon enfance, la restauration offre à l’image une perfection, une magie intemporelle. Un peu comme si je retrouvais cette étincelle merveilleuse de mon premier film en noir et blanc. A tout jamais, ma réplique préférée restera les mots de Jean Gabin à Michèle Morgan « T’as de beaux yeux, tu sais ! », mais résumé l’oeuvre à cette simple réplique la rabaisserait quelque part. Car Gabin et Morgan forme un couple mythique inclassable bien au delà des âges. Et les dialogues de Prévert souffle une telle poésie à l’âme qu’il est impossible de ne pas vibrer même plusieurs années après. Mon âme romantique vibre toujours autant devant.
Un casting monstrueux à tomber: Jean Gabin, Michel Simon, Michèle Morgan, Marcel Pérès, Pierre Brasseur, Raymond Aimos, René Génin, Robert Le Vigan, Édouard Delmont
Par une nuit ténébreuse, un déserteur du nom de Jean arrive au Havre dans l’espoir de quitter la France. En attendant un bateau, il trouve refuge au bout des quais, dans une baraque autour de laquelle gravitent plusieurs marginaux. Il y fait la rencontre de Nelly, une belle et mystérieuse jeune femme dont le regard le bouleverse. Cette dernière vit dans la terreur de son tuteur, le misérable Zabel, lui-même racketté par une bande de voyous. Par amour, Jean se mêle aux affaires de Nelly et met les pieds dans un engrenage périlleux…
Un peu noire, un peu triste, un peu fataliste, l’histoire de Jean et Nelly offre le visage d’un monde sombre. Personne n’échappe à son destin. Peu importe les actions, l’existence a son mot à dire. Tous les personnages sont des gueules cassées par la vie, ils sont usés, ils ont reçu des coups, des blessures et les surmontent chacun à leur manière. Le duo incarné par Jean Gabin et Michèle Morgan n’incarne pas le seul pendant attachant, il y a aussi:
- Zabel (Michel Simon), amoureux pathétique de sa filleule Nelly transpire la jalousie,
- Michel (Robert Le Vigan), peintre suicidaire,
- Lucien (Pierre Brasseur), petit voyou,
- Panama (Édouard Delmont), patron de bistrot.
Ils ont tous comme point commun leur misère physique ou morale ou les deux. Les messages se parent d’un image grisâtre, toujours mélancolique. Même l’histoire d’amour qui rend meilleur et métamorphose Jean n’échappe pas à cette vision. La nuit et le brouillard permette de créer une atmosphère qui colle à la perfection aux sentiments des divers protagonistes. J’aime Le quai des Brumes pour sa magie, son côté je suis conscient d’être dur, violent émotionnellement, cruel et pourtant si réaliste. Pas de happy end, pas de rêverie, juste la vie, juste une fin comme il peut en arriver tous les jours. J’aime le quai des brumes pour son grain de folie, sa douceur bizarre, son côté optimiste en autrui: une rencontre peut modifier nos perceptions et nous aider. Parce que les rêves c’est beau certes, seulement la vie a toujours le don de nous rattraper. Jean Gabin et Michèle Morgan resteront à jamais des amoureux dans mon coeur d’enfant.
Note: 9/10
3 Moop raisons de voir Le quai des Brumes:
- Michèle Morgan
- Jean Gabin
- La vie sous son air sombre et poétique
Les répliques cultes:
Interdit aux moins de 16 ans
Lors de sa sortie en salles officielle en 1946, le film a été interdit aux moins de 16 ans. Avant cette date, Le Quai des brumes a été prohibé par la censure française sous l’Occupation.
Dans la cour des grands
Marcel Carné n’a que vingt-neuf ans et deux longs métrages derrière lui lorsqu’il réalise Le Quai des brumes et dirige Jean Gabin, qui est alors déjà une grande vedette. Il doit d’ailleurs cette chance à l’acteur lui-même qui, impressionné par Drôle de drame, a insisté pour tourner un film avec le tandem Carné-Prévert, et a ainsi facilité la production du film malgré la noirceur du script.
Je vous conseille la lecture d’un très bel article sur la restauration du film le Quai des Brumes.
Date de reprise : 31 octobre 2012 – Version restaurée
Distributeur: Carlotta Films